Anthologiede la poĂ©sie belge — 2. Brux­el­loise, Jacque­line De Cler­cq pub­lie son pre­mier opus de poĂ©sie, La Demeure des Aulnes, en 1991, aux Ă©di­tions In’hui ; l’ouvrage reçoit le prix M. Van de Wiele dĂ©cernĂ© par l’Association Charles Plis­nier. Parais­sent ensuite, La Comp­tine du temps, Le Cormi­er, 1994, Courts

La couleur vertetrembleentre les mainsde l'automneLa mort maquilleles continuer... Deux vieux marins des mers du NordS'en revenaient, un soir d'automne,De la continuer... Au temps de la Toussaint, lorsque les cimetiĂšresS’ornent de cyclamens, de buis continuer... Dans le brouillard s'en vont un paysan cagneuxEt son boeuf lentement dans le brouillard continuer... Le vent tourbillonnant, qui rabat les volets,LĂ -bas tord la forĂȘt comme une continuer... A Jules riviĂšre s'Ă©coule avec lenteur. Ses eauxMurmurent, prĂšs continuer... Vois ce fruit, chaque jour plus tiĂšde et plus vermeil,Se gonfler doucement aux continuer... Matins frileuxLe temps se vĂȘt de brume ;Le vent retrousse au cou des pigeons continuer... L'automneinonde nos regretsd’un lustre inconsĂ©quent et d’une couleur bronzeces continuer... Automne malade et adorĂ©Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraiesQuand continuer... Les sanglots longsDes violonsDe l'automneBlessent mon coeurD'une continuer... À Charles HenrySur le gazon dĂ©verdi, passent - comme un troupeau d’oiseaux continuer... IBientĂŽt nous plongerons dans les froides tĂ©nĂšbres ;Adieu, vive clartĂ© continuer... Dans le parc aux lointains voilĂ©s de brume, sousLes grands arbres d’oĂč tombe continuer... Dans le silencieux automneD'un jour mol et soyeux,Je t'Ă©coute en fermant les continuer... Quand de la divine enfant de NorvĂšge,Tout tremblant d'amour, j'osai m'approcher,Il continuer... Parmi la chaleur accablanteDont nous torrĂ©fia l'Ă©tĂ©,Voici se glisser, encor continuer... Le ciel se fait lourd quand rĂąlent les pupitresAnnonçant dans la cour un vide continuer... Sous des cieux faits de filasse et de suie,D'oĂč choit morne et longue la pluie,Voici continuer... Sors de ta chrysalide, ĂŽ mon Ăąme, voiciL'Automne. Un long baiser du soleil a continuer... C'est bien mon deuil, le tien, ĂŽ l'automne derniĂšre !RĂąles que roule, au vent continuer... Rayures d'eau, longues feuilles couleur de brique,Par mes plaines d'Ă©ternitĂ© continuer... Salut ! bois couronnĂ©s d'un reste de verdure !Feuillages jaunissants sur les continuer... Sois le bienvenu, rouge Automne,Accours dans ton riche appareil,Embrase le continuer... Voici venu le froid radieux de septembre Le vent voudrait entrer et jouer dans continuer... A toute autre saison je prĂ©fĂšre l'automne ;Et je prĂ©fĂšre aux chants des arbres continuer... L'azur n'est plus Ă©gal comme un rideau sans feuille, Ă  tout moment, tressaille, continuer... L'illusion bleue du ciella froide prĂ©sence du ventl'adagio du soleille continuer... Sentez-vous cette odeur, cette odeur fauve et roussede beau cuir neuf, chauffĂ© continuer... Peut-ĂȘtre un hĂ©risson qui vient de naĂźtre ?Dans la mer, ce serait un oursin, continuer... La glycine est fanĂ©e et morte est l'aubĂ©pine ;Mais voici la saison de la bruyĂšre continuer... Adieu, paniers ! Les vendanges sont faites !Qu’attends-tu, graine que je sais, continuer... Le vent d’automne, aux bruits lointains des mers pareil,Plein d’adieux solennels, continuer... Parfois, quand le brouillard, vient assombrir nos routes,Et qu'au fond du tunnel, continuer... Comme je l'aime le vent d'automnequand je l'entends Ă  ma fenĂȘtreEt qu'il continuer... Le printemps est loin, si loinLes champs sont roses sombresDans le fil d'une continuer... L'automne fait les bruits froissĂ©sDe nos tumultueux l'eau tombent continuer... PrintempsLe printemps va bientĂŽt naĂźtre. Les hirondellesPour que l'azur s'en continuer... En bas, il y a une jolie mĂ©sangeAvec un ver en bec ; la voici qui le mangeDans continuer... Un beau ciel de novembre aux clartĂ©s automnalesBaignait de ses tiĂ©deurs les continuer... Sous ces rayons clĂ©ments des soleils de septembreLe ciel est doux, mais pĂąle, continuer... Aux jours oĂč les feuilles jaunissent,Aux jours oĂč les soleils finissent,HĂ©las continuer... L'automne mange le tempscomme un insecte secavale le reflet continuer... De boue le chemin est arbres encore vivement pluie rĂ©cente continuer... L’Automne s’exaspĂšre ainsi qu’une Bacchante,Folle du sang des fruits et continuer... C’est un matin
 non pas un matin de CorotAvec des arbres et des nymphes – continuer... C'est l'heure exquise et matinaleQue rougit un soleil travers la continuer... Vie sacrifiĂ©e d'une journĂ©e sans soleilLes arbres tombant, sans continuer... Les grand'routes tracent des croixA l'infini, Ă  travers bois ;Les grand'routes continuer... Je lui dis La rose du jardin, comme tu sais, dure peu ;et la saison des roses continuer... Mais des nuits d’automneGoĂ»tons les douceurs ;Qu’aux aimables fleursSuccĂšde continuer... Octobre est doux. - L'hiver pĂšlerin s'achemineAu ciel oĂč la derniĂšre hirondelle continuer... VoilĂ  les feuilles sans sĂšveQui tombent sur le gazon,VoilĂ  le vent qui s'Ă©lĂšveEt continuer... Octobre m'a toujours fichĂ© dans la dĂ©tresse ;Les Usines, cent goulots fumant continuer... ChĂątaignes rabotĂ©es de lumiĂšreet de silence aussi,comme des coquillagesblessĂ©s continuer... Octobre glorieux sourit Ă  la dirait que l'Ă©tĂ© ranime les continuer... À peine les faucheurs ont engrangĂ© les gerbesQue dĂ©jĂ  les chevaux Ă  l'araire continuer... Écoutez c'est le bruit de la joyeuse airĂ©eQui, dans le poudroĂźment d'une continuer... Maintenant, plus d'azur clair, plus de tiĂšde haleine,Plus de concerts dans l'arbre continuer... Les enfants des morts vont jouerDans le cimetiĂšreMartin Gertrude Hans et HenriNul continuer... Aux branches que l'air rouille et que le gel mordore,Comme par un prodige inouĂŻ continuer... Le ciel s'est libĂ©rĂ© de ses vapeurs torrides,Les jours se sont dĂ©faits des continuer... Je suis soumis au Chef du Signe de l'AutomnePartant j'aime les fruits je dĂ©teste continuer... Ils me disent, tes yeux, clairs comme le cristal " Pour toi, bizarre amant, quel continuer... Mon Ăąme vers ton front oĂč rĂȘve, ĂŽ calme soeur,Un automne jonchĂ© de taches continuer... Vois-tu prĂšs des cohortes bovinesChoir les feuilles dans les ravines,Dans continuer... En ce temps-lĂ , JĂ©sus, seul avec Pierre, erraitSur la rive du lac, prĂšs de continuer... L'aurore automnale amĂšne la nostalgieDe la Bretagne et de son ocre continuer... Les choses qui chantent dans la tĂȘteAlors que la mĂ©moire est absente,Ecoutez, continuer... Vous laissez tomber vos mains rouges,Vigne vierge, vous les laissez tomberComme continuer... Voici que la saison dĂ©cline,L'ombre grandit, l'azur dĂ©croĂźt,Le vent fraĂźchit continuer...

Choix1 - L’automne On voit tout le temps, en automne, Quelque chose qui vous Ă©tonne, C'est une branche tout Ă  coup, Qui s'effeuille dans votre cou. C'est un petit arbre tout rouge, Un, d'une autre couleur encor, Et puis partout, ces feuilles d'or Qui tombent sans que rien ne bouge. Nous aimons bien cette saison, Mais la nuit si tĂŽt va descendre ! Retournons vite Ă  PoĂšmes choisis Automne I Automne II Automne malade Chanson d’automne Chant d’automne L’automne I L’automne II L’automne III Le PoĂšme Japonais Matin d'Octobre Soir d'automne Soir d'octobre Droit d'utiliser Ă  des fins non commerciales, de partager ou d'adapter l'ƒuvre. Pour cela, vous devez la crĂ©diter, intĂ©grer un lien vers cette page du site et indiquer si des modifications ont Ă©tĂ© effectuĂ©es. Les nouvelles ƒuvres créées Ă  partir de celle-ci seront sous les mĂȘmes conditions. Quand chutent les secondes Avec le passĂ© pour cible Aucune heure qui vaille. Automne pluvieux Les jours raccourcissent Mon bien-ĂȘtre aussi. Orageux problĂšmes Mais derriĂšre tout nuage Il y a un ciel bleu. — StĂ©phen Moysan Des espoirs, ĂŽ dĂ©sespoir Atteignant la saison de leur majoritĂ© Les feuilles Pudiques Rougissent À l'idĂ©e de devoir DĂ©shabiller Un arbre Pour leur premiĂšre fois Automne — Essence/Neige Twitter Automne malade Automne malade et adorĂ© Tu mourras quand l’ouragan soufflera dans les roseraies Quand il aura neigĂ© Dans les vergers Pauvre automne Meurs en blancheur et en richesse De neige et de fruits mĂ»rs Au fond du ciel Des Ă©perviers planent Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines Qui n’ont jamais aimĂ© Aux lisiĂšres lointaines Les cerfs ont bramĂ© Et que j’aime ĂŽ saison que j’aime tes rumeurs Les fruits tombant sans qu’on les cueille Le vent et la forĂȘt qui pleurent Toutes leurs larmes en automne feuille Ă  feuille Les feuilles Qu’on foule Un train Qui roule La vie S’écoule — Guillaume Apollinaire 1880-1918 Alcools Chanson d’automne Les sanglots longs Des violons De l’automne Blessent mon cƓur D’une langueur Monotone. Tout suffocant Et blĂȘme, quand Sonne l’heure, Je me souviens Des jours anciens Et je pleure ; Et je m’en vais Au vent mauvais Qui m’emporte Deçà, delĂ , Pareil Ă  la Feuille morte. — Paul Verlaine 1844-1896 PoĂšmes saturniens Chant d’automne Partie I BientĂŽt nous plongerons dans les froides tĂ©nĂšbres ; Adieu, vive clartĂ© de nos Ă©tĂ©s trop courts ! J’entends dĂ©jĂ  tomber avec des chocs funĂšbres Le bois retentissant sur le pavĂ© des cours. Tout l’hiver va rentrer dans mon ĂȘtre colĂšre, Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcĂ©, Et, comme le soleil dans son enfer polaire, Mon coeur ne sera plus qu’un bloc rouge et glacĂ©. J’écoute en frĂ©missant chaque bĂ»che qui tombe ; L’échafaud qu’on bĂątit n’a pas d’écho plus sourd. Mon esprit est pareil Ă  la tour qui succombe Sous les coups du bĂ©lier infatigable et lourd. Il me semble, bercĂ© par ce choc monotone, Qu’on cloue en grande hĂąte un cercueil quelque part. Pour qui ? – C’était hier l’étĂ© ; voici l’automne ! Ce bruit mystĂ©rieux sonne comme un dĂ©part. — Charles Baudelaire 1821-1867 Les fleurs du mal L’automne Salut ! bois couronnĂ©s d’un reste de verdure ! Feuillages jaunissants sur les gazons Ă©pars ! Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature Convient Ă  la douleur et plaĂźt Ă  mes regards ! Je suis d’un pas rĂȘveur le sentier solitaire, J’aime Ă  revoir encor, pour la derniĂšre fois, Ce soleil pĂąlissant, dont la faible lumiĂšre Perce Ă  peine Ă  mes pieds l’obscuritĂ© des bois ! Oui, dans ces jours d’automne oĂč la nature expire, A ses regards voilĂ©s, je trouve plus d’attraits, C’est l’adieu d’un ami, c’est le dernier sourire Des lĂšvres que la mort va fermer pour jamais ! Ainsi, prĂȘt Ă  quitter l’horizon de la vie, Pleurant de mes longs jours l’espoir Ă©vanoui, Je me retourne encore, et d’un regard d’envie Je contemple ses biens dont je n’ai pas joui ! Terre, soleil, vallons, belle et douce nature, Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ; L’air est si parfumĂ© ! la lumiĂšre est si pure ! Aux regards d’un mourant le soleil est si beau ! Je voudrais maintenant vider jusqu’à la lie Ce calice mĂȘlĂ© de nectar et de fiel ! Au fond de cette coupe oĂč je buvais la vie, Peut-ĂȘtre restait-il une goutte de miel ? Peut-ĂȘtre l’avenir me gardait-il encore Un retour de bonheur dont l’espoir est perdu ? Peut-ĂȘtre dans la foule, une Ăąme que j’ignore Aurait compris mon Ăąme, et m’aurait rĂ©pondu ? 
 La fleur tombe en livrant ses parfums au zĂ©phire ; A la vie, au soleil, ce sont lĂ  ses adieux ; Moi, je meurs; et mon Ăąme, au moment qu’elle expire, S’exhale comme un son triste et mĂ©lodieux. — Alphonse de Lamartine 1790-1869 MĂ©ditations poĂ©tiques L’automne Sois le bienvenu, rouge Automne, Accours dans ton riche appareil, Embrase le coteau vermeil Que la vigne pare et festonne. PĂšre, tu rempliras la tonne Qui nous verse le doux sommeil ; Sois le bienvenu, rouge Automne, Accours dans ton riche appareil. DĂ©jĂ  la Nymphe qui s’étonne, Blanche de la nuque Ă  l’orteil, Rit aux chants ivres de soleil Que le gai vendangeur entonne. Sois le bienvenu, rouge Automne. — ThĂ©odore de Banville 1823-1891 Les cariatides L’automne Voici venu le froid radieux de septembre Le vent voudrait entrer et jouer dans les chambres ; Mais la maison a l’air sĂ©vĂšre, ce matin, Et le laisse dehors qui sanglote au jardin. Comme toutes les voix de l’étĂ© se sont tues ! Pourquoi ne met-on pas de mantes aux statues ? Tout est transi, tout tremble et tout a peur ; je crois Que la bise grelotte et que l’eau mĂȘme a froid. Les feuilles dans le vent courent comme des folles ; Elles voudraient aller oĂč les oiseaux s’envolent, Mais le vent les reprend et barre leur chemin Elles iront mourir sur les Ă©tangs demain. Le silence est lĂ©ger et calme ; par minute Le vent passe au travers comme un joueur de flĂ»te, Et puis tout redevient encor silencieux, Et l’Amour qui jouait sous la bontĂ© des cieux S’en revient pour chauffer devant le feu qui flambe Ses mains pleines de froid et ses frileuses jambes, Et la vieille maison qu’il va transfigurer Tressaille et s’attendrit de le sentir entrer. — Anna de Noailles 1876-1933 Le coeur innombrable Le PoĂšme Japonais Soir d’automne - Il est un bonheur aussi Dans la solitude. De temps en temps Les nuages nous reposent De tant regarder la lune. Rien qui m’appartienne Sinon la paix du cƓur Et la fraĂźcheur de l’air. Buson - Basho - Issa — StĂ©phen Moysan En route vers l'Horizon Matin d'Octobre C'est l'heure exquise et matinale Que rougit un soleil soudain. A travers la brume automnale Tombent les feuilles du jardin. Leur chute est lente. Ou peut les suivre Du regard en reconnaissant Le chĂȘne Ă  sa feuille de cuivre, L'Ă©rable Ă  sa feuille de sang. Les derniĂšres, les plus rouillĂ©es, Tombent des branches dĂ©pouillĂ©es Mais ce n'est pas l'hiver encor. Une blonde lumiĂšre arrose La nature, et, dans l'air tout rose, On croirait qu'il neige de l'or. — François CoppĂ©e 1842-1908 Promenades et IntĂ©rieurs Soir d'automne Il est doux, ĂŽ mes yeux, lorsque le vent d'automne Cesse de s'acharner Ă  l'arbre dont frissonne Le spectre dĂ©pouillĂ© qui craque et tremble encor, De voir, dans l'air muet, oĂč son vol se balance, Tomber en tournoyant Ă  travers le silence, Une derniĂšre feuille d'or. Quand au jour Ă©clatant qui se voile succĂšde Le crĂ©puscule lent, humide, mol et tiĂšde, Qui fait perler la mousse au dos des bancs velus, Il est doux, au jardin mystĂ©rieux, d'entendre RĂ©sonner dans le soir le rire obscur et tendre Des visages qu'on ne voit plus. — Henri de RĂ©gnier 1864-1936 Le Miroir des heures Soir d'octobre D’une annĂ©e Ă  l’autre La chute des feuilles Petit vertige du temps. Les vendeurs de marrons grillĂ©s Apportent la nouvelle en ville L’automne est arrivĂ©. Quand, face Ă  la lune, Un clin d’Ɠil du soleil Fait rougir le crĂ©puscule. — StĂ©phen Moysan Spleen
Ily a le temps sans fin d’aujourd’hui comme hier. Du mal et de la faim, de la honte et la guerre Il y a tout ce temps et pourtant, et pourtant. Il y a le printemps et il y a l’enfant. Il y a le temps des fleurs, et le temps du partage . Et puis celui du cƓur et celui du courage . Il y a le plaisir des unes avec les uns,
CONTRAT POESIE CM1 PERIODE 1 L`automne On voit tout le CONTRAT POESIE CM1 PERIODE 1 L'automne On voit tout le temps, en automne Quelque chose qui vous Ă©tonne, C'est une branche tout Ă  coup, Qui s'effeuille dans votre cou ; C'est un petit arbre tout rouge, Un, d'une autre couleur encor, Et puis partout, ces feuilles d'or Qui tombent sans que rien ne bouge. Nous aimons bien cette saison, Mais la nuit si tĂŽt va descendre ! Retournons vite Ă  la maison RĂŽtir nos marrons dans la cendre. Le cartable d’Annabelle Le cartable d’Annabelle Aime les livres. Il avale en cachette Tous ceux de la bibliothĂšque. Le cartable d’Annabelle Se rĂ©gale de fables, D’albums colorĂ©s, De romans policiers. Il connait le nom des fleurs, Des villes et des Ă©toiles. Il n’est jamais seul, Il a beaucoup d’amis, Les livres en sont remplis. Lucie Delarue-Mardrus HĂ©lĂšne BENAIT Le bel automne Villanelle À pas menus, menus, Le bel automne est revenu Dans le brouillard, sans qu’on s’en doute, Il est venu par la grand’route HabillĂ© d’or et de carmin. Et tout le long de son chemin, Le vent bondit, les pommes roulent, Il pleut des noix, les feuilles croulent. Ne l’avez-vous pas reconnu? Le bel automne est revenu. Raymond Richard C'est la rentrĂ©e Une feuille d'or, une feuille rousse, un frisson de mousse, sous le vent du nord. Quatre feuilles rousses, quatre feuilles d'or, le soleil s'endort dans la brume douce. Mille feuilles rousses, que le vent retrousse. Mille feuilles d'or sous mes arbres morts. Vite, vite, il faut se presser Le rĂ©veil a dĂ©jĂ  sonnĂ©! Un peu raplapla, Toilette de chat. Petit dĂ©jeuner, TrĂšs vite avalĂ©. Cheveux en pĂ©tard, Un peu dans le brouillard. On file comme l'Ă©clair, Chaussettes Ă  l'envers. Vite, vite, il faut se presser, C'est la rentrĂ©e! Sylvie PoillevĂ© Alain Debroise Au pays d'Alphabet Au pays d'Alphabet, Les lettres s'ennuyaient ; Chacune dans son coin, inutile, Elles ne savaient que faire, Elles ne savaient que dire ! Mais un jour, le E, le A, le U se rencontrĂšrent... Eau ! Dirent-elles ensemble. Oh ! S'exclamĂšrent les autres. Le C, le R et le I poussĂšrent un cri, Signe qu'ils avaient compris. Et c'est ainsi que tout a commencĂ©. Jacques Lafont Lautomne On voit tout le temps, en automne, Quelque chose qui vous Ă©tonne, C’est une branche, tout Ă  coup, Qui s’effeuille dans votre cou. C’est un petit arbre tout rouge, Un, d’une autre couleur encor, Et puis, partout, ces feuilles d’or Qui tombent sans que rien ne bouge. Nous aimons bien cette saison, Mais la nuit si tĂŽt va descendre ! 1. L'automne de Guillaume Apollinaire 1880-1918 est une saison de brouillard et de tristesse. Automne Dans le brouillard s’en vont un paysan cagneux Et son bƓuf lentement dans le brouillard d’automne Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux Et s’en allant lĂ -bas le paysan chantonne Une chanson d’amour et d’infidĂ©litĂ© Qui parle d’une bague et d’un cƓur que l’on brise Oh !* l’automne l’automne a fait mourir l’étĂ© Dans le brouillard s’en vont deux silhouettes grises. *pas d'autre ponctuation mis Ă  part le point final Guillaume Apollinaire "Alcools" - Mercure de France 1913 - rééditĂ© en poche PoĂ©sie/Gallimard Et ce poĂšme difficile et tout aussi triste Automne malade Automne malade et adorĂ© Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies Quand il aura neigĂ© Dans les vergers Pauvre automne Meurs en blancheur et en richesse De neige et de fruits mĂ»rs Au fond du ciel Des Ă©perviers planent Sur les nixes nicettes* aux cheveux verts et naines Qui n'ont jamais aimĂ© Aux lisiĂšres lointaines Les cerfs ont bramĂ© Et que j'aime ĂŽ saison que j'aime tes rumeurs Les fruits tombant sans qu'on les cueille Le vent et la forĂȘt qui pleurent Toutes leurs larmes en automne feuille Ă  feuille Les feuilles Qu'on foule Un train Qui roule La vie S'Ă©coule Guillaume Apollinaire "Alcools" Aucune ponctuation dans ce texte*Dans la mythologie germanique et scandinave les nixes sont des nymphes aquatiques qu'affectionne l'auteur cf la Lorelei, qu'il Ă©voque dans un autre poĂšme. Apollinaire les qualifie de "nicettes", de l'ancien français "nice" niais, mignon. 2. Charles Baudelaire 1821-1867 peut-il ĂȘtre qualifiĂ© de poĂšte maudit ? Certainement, lui Ă  qui Les Fleurs du Mal ont valu un procĂšs pour outrage Ă  la morale publique et Ă  la morale religieuse. Aujourd'hui, Les Fleurs du Mal sont le recueil de poĂ©sies qui se vend et s'est le plus vendu en France. Chant d'Automne BientĂŽt nous plongerons dans les froides tĂ©nĂšbres ; Adieu, vive clartĂ© de nos Ă©tĂ©s trop courts ! J'entends dĂ©jĂ  tomber avec des chocs funĂšbres Le bois retentissant sur le pavĂ© des cours. Tout l'hiver va rentrer dans mon ĂȘtre colĂšre, Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcĂ©, Et, comme le soleil dans son enfer polaire, Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacĂ©. J'Ă©coute en frĂ©missant chaque bĂ»che qui tombe L'Ă©chafaud qu'on bĂątit n'a pas d'Ă©cho plus sourd. Mon esprit est pareil Ă  la tour qui succombe Sous les coups du bĂ©lier infatigable et lourd. II me semble, bercĂ© par ce choc monotone, Qu'on cloue en grande hĂąte un cercueil quelque part. Pour qui ? - C'Ă©tait hier l'Ă©tĂ©; voici l'automne ! Ce bruit mystĂ©rieux sonne comme un dĂ©part. Charles Baudelaire "Les Fleurs du Mal" - 1857 3. Michel Beau Voici quelques rares Ă©lĂ©ments de la biographie du poĂšte Michel Beau, trouvĂ©s sur le site [Michel Beau a publiĂ© de nombreux livres de poĂ©sie Du cƓur aux lĂšvres » aux Ă©ditions Rougerie, C’est donc cela l’amour » aux Ă©ditions Grassin, Quand paraĂźt l’arc-en-ciel » aux Ă©ditions Nouvelle PlĂ©iade, La farandole des saisons » Ă  l’AcadĂ©mie du Disque de PoĂ©sie, Scriptoformes » aux Ă©ditions Graph2000, La mieux-aimĂ©e » aux Ă©ditions DenoĂ«l, Jonglerimes » aux Ă©ditions Nathan.] ... auteur de ce poĂšme triste sur l'automne Jour pluvieux d'automne Une feuille rousse que le grand vent pousse dans le ciel gris-bleu, l'arbre nu qui tremble et dans le bois semble un homme frileux, une gouttelette comme une flĂ©chette qui tape au carreau, une fleur jaunie qui traĂźne sans vie dans la flaque d'eau, sur toutes les choses des notes moroses, des pleurs, des frissons, des pas qui rĂ©sonnent c'est dĂ©jĂ  l'automne qui marche en sifflant sa triste chanson. Michel Beau 4. Marguerite Burnat-Provins Marguerite Burnat-Provins 1872-1952 est une Ă©crivaine, dessinatrice et peintre française qui a vĂ©cu une grande partie de sa vie en Suisse. Elle trouve sa source principale d'inspiration dans l'observation de la nature. Sur l'arbre rouge Sur l'arbre rouge, as-tu vu Le corbeau noir ? L'as-tu entendu ? En claquant du bec, il a dit Que tout est fini ; Les fossĂ©s sont froids, La terre est mouillĂ©e. Nous n'irons plus rire et nous cacher, Dans la bonne chaleur du blĂ©. Le corbeau noir a dit cela, En passant, Dans l'arbre rouge couleur de sang. Marguerite Burnat-Provins "Chansons rustiques" - SĂ€uberlin et Pfeiffer, 1905 5. Marie-Magdeleine Carbet RomanciĂšre, auteur de contes pour enfants, et de poĂšmes "Mini-poĂšmes sur trois mĂ©ridiens" - 1977, Marie-Magdeleine Carbet, est nĂ©e en 1902 aux Antilles. L’acacia Le vent Passait, pleurant. L’acacia dit Vent d’automne Au front gris, Tu t’ennuies Je te donne Mes feuilles. Prends, cueille Et va jouer au volant* Avec ton amie La pluie. Le printemps, En son temps, M’en fera de plus jolies ! Marie-Magdeleine Carbet *allusion peut-ĂȘtre au jeu du volant, ancĂȘtre du badminton. 6. Francis Carco 1886-1958 est un romancier, auteur de JĂ©sus la Caille, L'Homme traquĂ©... et le poĂšte de Premiers vers, La BohĂšme et mon cƓur, Chansons aigre-douces... Il frĂ©quente les milieux artistiques parisiens, oĂč il rencontre les poĂštes Guillaume Apollinaire et Max Jacob. Un arbre Un arbre tremble sous le vent, Les volets claquent. Comme il a plu, l'eau fait des flaques. Des feuilles volent sous le vent Qui les disperse Et, brusquement, il pleut Ă  verse. Francis Carco 7. Maurice CarĂȘme Merci Ă  la Fondation Maurice CarĂȘme L'Ă©cureuil et la feuille Un Ă©cureuil, sur la bruyĂšre, Se lave avec de la lumiĂšre. Une feuille morte descend, Doucement portĂ©e par le vent. Et le vent balance la feuille Juste au-dessus de l'Ă©cureuil ; Le vent attend, pour la poser LĂ©gĂšrement sur la bruyĂšre, Que l'Ă©cureuil soit remontĂ© Sur le chĂȘne de la clairiĂšre OĂč il aime Ă  se balancer Comme une feuille de lumiĂšre. Maurice CarĂȘme Gare isolĂ©e On allume les lampes. Un dernier pinson chante. La gare est Ă©mouvante. En ce soir de septembre. Elle reste si seule À l’écart des maisons, Si seule Ă  regarder L’étoile du berger Qui pleure Ă  l’horizon Entre deux vieux tilleuls. Parfois un voyageur S’arrĂȘte sur le quai, Mais si las, si distrait, Qu’il ne voit ni les lampes, Ni le pinson qui chante, Ni l’étoile qui pleure En ce soir de septembre. Et la "banlieue" le cueille, Morne comme le vent Qui disperse les feuilles Sur la gare Ă©mouvante Et plus seule qu’avant. Maurice CarĂȘme Étranges fleurs L'automne met dans les lilas D'Ă©tranges fleurs que nul ne voit, Des fleurs aux tons si transparents Qu'il faut avoir gardĂ© longtemps Son Ăąme de petit enfant Pour les voir le long des sentiers Et pour pouvoir les assembler En un seul bouquet de clartĂ© Comme font, Ă  l'aube, les anges, Les mains pleines d'Ă©toiles blanches... Maurice CarĂȘme 8. Pernette ChaponniĂšre, de son vrai nom Pernette Dunant est nĂ©e en 1915 en Suisse GenĂšve. Elle est auteure de romans, de livres pour enfants et de piĂšces de théùtre. Les feuilles mortes Tombent, tombent les feuilles rousses, J'entends la pluie sur la mousse. Tombent, tombent les feuilles molles, J'entends le vent qui s'envole. Tombent, tombent les feuilles d'or, J'entends l'Ă©tĂ© qui s'endort. Tombent, tombent les feuilles mortes, J'entends l'hiver Ă  ma porte. Pernette ChaponniĂšre "L'Ă©charpe d'iris" - Ed Hachette Un poĂšme pour attendre le retour des hirondelles L'hirondelle On m'a dit qu'une hirondelle ne faisait pas le printemps et moi je dis que c'est elle sinon, qui le ferait donc ? Je l'ai vue avec son aile qui taillait dans le ciel blanc un grand morceau de dentelle oĂč venait jouer le vent. Ce n'Ă©tait qu'une hirondelle un oiseau noir et blanc et pourtant je n'ai vu qu'elle et j'ai le coeur tout content. On dit que les demoiselles font la pluie et le beau temps ; moi je dis qu'une hirondelle fait l'avril et le printemps. Pernette ChaponniĂšre 9. Anne-Marie Chapouton Il pleut Il pleut des feuilles jaunes il pleut des feuilles rouges L’étĂ© va s’endormir et l’hiver va venir sur la pointe de ses souliers gelĂ©s Anne-Marie Chapouton "PoĂšmes petits" - Delagrave, 1999 - poĂšme remis dans sa forme d'origine pas de ponctuation ni de majuscules. 10. Pierre Coran Pierre Coran est nĂ© en 1934 AutomneQuand les bois ont les cheveux courts, La lune ceint son abat-jour De brume pĂąle Et le vent vole et le vent court En tournoyant comme un vautour Sous les Ă©toiles. Pourquoi mon coeur es-tu si lourd Quand les bois ont les cheveux courts ? RivĂ© aux cailloux de la cour Le lierre Ă©treint dans ses doigts gourds Une hirondelle. Entends-tu dans le petit jour, Le gel affĂ»ter ses tambours Et ses chandelles ? Quand les bois ont les cheveux courts Pourquoi mon coeur es-tu si lourd ? Pierre Coran dans "La PoĂ©sie comme elle s'Ă©crit" - Jacques Charpentreau - Éd OuvriĂšres 1979 11. Alain Debroise Alain Debroise 1911-1999, est auteur de poĂ©sies et de comptines. Villanelle* Une feuille d'or, une feuille rousse, un frisson de mousse, sous le vent du nord. Quatre feuilles rousses, quatre feuilles d'or, le soleil s'endort dans la brume douce. Mille feuilles rousses, que le vent retrousse. Mille feuilles d'or sous mes arbres morts. Alain Debroise "Deux sous d'oubliettes"*villanelle Ă  partir du XVIe siĂšcle, chanson pastorale et populaire ancienne sous la forme d'un poĂšme. 12. Lucie Delarue-Mardrus Plus colorĂ©, voici l'automne de Lucie Delarue-Mardrus 1874-1945, suivi d’une courte poĂ©sie pour les petits. L'automne On voit tout le temps, en automne Quelque chose qui vous Ă©tonne, C'est une branche tout Ă  coup, Qui s'effeuille dans votre cou ; C'est un petit arbre tout rouge, Un, d'une autre couleur encor, Et puis partout, ces feuilles d'or Qui tombent sans que rien ne bouge. Nous aimons bien cette saison, Mais la nuit si tĂŽt va descendre ! Retournons vite Ă  la maison RĂŽtir nos marrons dans la cendre. Lucie Delarue-Mardrus Les feuilles tombent Les feuilles tombent peu Ă  peu Les feuilles sont dĂ©jĂ  par terre En grand silence, en grand mystĂšre Les feuilles tombent peu Ă  peu . Lucie Delarue-Mardrus 13. Luce Fillol Luce Fillol est nĂ©e en 1918. PoĂšte et romanciĂšre pour la jeunesse, "Le 47 bis de la rue des trembles" son premier roman, et "Prune" Édit Flammarion collection Castor Poche, sont ses oeuvres les plus connues. Feuille rousse, feuille folle Feuille rousse, feuille folle Tourne, tourne, tourne et vole ! Tu voltiges au vent lĂ©ger Comme un oiseau apeurĂ©. Feuille rousse, feuille folle ! Sur le chemin de l’école, J’ai rempli tout mon panier Des jolies feuilles du sentier. Feuille rousse, feuille folle ! Dans le vent qui vole, vole, J’ai cueilli pour mon cahier la feuille qui dansait. Luce Fillol dans "Musi-Musou raconte" - Ă©ditions Magnard, 1969 14. RĂ©my de Gourmont Ce poĂšme de RĂ©my de Gourmont 1858-1915 est proposĂ© sans la derniĂšre strophe. Les feuilles mortes Simone, allons au bois, les feuilles sont tombĂ©es, Elles recouvrent la mousse, les pierres et les sentiers. Simone, aimes-tu le bruit des pas sur les feuilles mortes ? Elles ont les couleurs si douces, des tons si graves, Elles sont sur la terre si frĂȘles Ă©paves ! Simone, aimes-tu le bruit des pas sur les feuilles mortes ? Elles ont l'air si dolent Ă  l'heure du crĂ©puscule, Elles crient si tendrement, quand le vent les bouscule ! Simone, aimes-tu le bruit des pas sur les feuilles mortes ? Quand le pied les Ă©crase elles pleurent comme des Ăąmes, Elles font un bruit d'ailes ou de robes de femmes. Simone, aimes-tu le bruit des pas sur les feuilles mortes ? Viens nous serons un jour de pauvres feuilles mortes. Viens dĂ©jĂ  la nuit tombe et le vent nous emporte. Simone, aimes-tu le bruit des pas sur les feuilles mortes ? RĂ©my de Gourmont "Simone, poĂšme champĂȘtre"- Mercure de France, 1901 15. Fernand Gregh Fernand Gregh 1873-1960 Ă©tait, comme il se dĂ©finissait lui-mĂȘme pour se dĂ©marquer des symbolistes, un poĂšte "humaniste". Il est aussi l'auteur d'essais et de nombreuses critiques littĂ©raires. "AprĂšs l'Ă©cole de la beautĂ© pour la beautĂ©, aprĂšs l'Ă©cole de la beautĂ© pour le rĂȘve, il est temps de constituer l'Ă©cole de la beautĂ© pour la vie." F. Gregh Silence d'automne C'est le silence de l'automne OĂč vibre un soleil, monotone Dans la profondeur des cieux blancs ... Voici qu'Ă  l'approche du givre Les grands bois s'arrĂȘtent de vivre Et retiennent leurs cƓurs tremblants. Vois, le ciel vibre, monotone ; C'est le silence de l'automne. O forĂȘt ! qu'ils sont loin les oiseaux d'autrefois Et les murmures d'or des guĂȘpes dans les bois ! Adieu, la vie immense et folle qui bourdonne ! Entends, dans cette paix qui comme toi frissonne, Combien s'est ralenti le cƓurs fougueux des bois Et comme il bat, Ă  coups dolents et monotones Dans le silence de l'automne ! Fernand Gregh "La BeautĂ© de vivre" - Calmann-LĂ©vy Ă©diteur, 1900 16. Isabelle Jaccard Feuilles d'automne J'ai regardĂ© les feuilles rouges Elles tombaient. J'ai regardĂ© les feuilles jaunes Elles volaient. J'ai regardĂ© les feuilles brunes Que le vent poussait. Rouges, jaunes, brunes, Chacune dansait. Isabelle Jaccard 17. Georges Jean Georges Jean, nĂ© en 1920, est un poĂšte enseignant enseignant-poĂšte ?. Il a publiĂ© de nombreux recueils de poĂ©sie et des anthologies pour les enfants, dont le Nouveau trĂ©sor de la poĂ©sie pour enfants en 2003 au Cherche midi Ă©diteur. L'automne Quand s'annonce l'automne La marmotte marmonne Rentre dans sa maison Et dit "C'est la saison OĂč mon lit a du bon Dormons." Et elle attend le temps Du soleil, le printemps En dormant. Georges Jean 18. Tristan Klingsor Tristan Klingsor 1874-1966 est malgrĂ© son nom c'est un pseudonyme, un poĂšte français. Il Ă©tait aussi musicien et peintre reconnu. Voici sa jolie contribution Ă  l'automne, avec un texte particuliĂšrement adaptĂ© aux Ă©lĂšves d'Ă©lĂ©mentaire Le rouge-gorge Le rouge-gorge est au verger ; Ah ! qu'il est joli, le voleur ; Il ne pĂšse pas plus que plume Et le vent le balance Ă  son grĂ© Comme une fleur ; Ah ! qu'il est joli, le voleur de prunes. Oiseau, bel oiseau d'automne, Voici l'oseille qui rougit Dans l'herbe, Et la feuille du poirier jaune ; Tout se couvre de pourpre et de vieil or superbe Avant l'hiver gris. Tristan Klingsor 19. Alphonse de Lamartine Alphonse de Lamartine 1790-1869, grand poĂšte romantique et lyrique, Ă©crivain et homme politique, a publiĂ© Harmonies poĂ©tiques et religieuses en 1830. L'automne* titre proposĂ© pour la classe Ă©lĂ©mentaire - extrait* VoilĂ  les feuilles sans sĂšve Qui tombent sur le gazon, VoilĂ  le vent qui s'Ă©lĂšve Et gĂ©mit dans le vallon, VoilĂ  l'errante hirondelle Qui rase du bout de l'aile L'eau dormante des marais, VoilĂ  l'enfant des chaumiĂšres Qui glane sur les bruyĂšres Le bois tombĂ© des forĂȘts. L'onde n'a plus le murmure, Dont elle enchantait les bois; Sous des rameaux sans verdure Les oiseaux n'ont plus de voix; Le soir est prĂšs de l'aurore, L'astre Ă  peine vient d'Ă©clore Qu'il va terminer son tour, Il jette par intervalle Une heure de clartĂ© pĂąle Qu'on appelle encore un jour. Alphonse de Lamartine "Harmonies poĂ©tiques et religieuses" - 1830 *titre original PensĂ©e des n'a gardĂ© pour l'Ă©cole Ă©lĂ©mentaire que les 2 premiĂšres strophes de ce long pourra en retrouver l'intĂ©gralitĂ© dans page du site actuellement en travaux BRASSENS chante les poĂštes. Une deuxiĂšme poĂ©sie, dans la mĂȘme tonalitĂ© RĂȘve d'automne Salut ! bois couronnĂ©s d'un reste de verdure ! Feuillages jaunissants sur les gazons Ă©pars ! Salut, derniers beaux jours ! le deuil de la nature Convient Ă  la douleur et plaĂźt Ă  mes regards ! Je suis d'un pas rĂȘveur le sentier solitaire, J'aime Ă  revoir encore, pour la derniĂšre fois, Ce soleil pĂąlissant, dont la faible lumiĂšre Perce Ă  peine Ă  mes pieds l'obscuritĂ© des bois ! Oui, dans ces jours d'automne oĂč la nature expire, A ses regards voilĂ©s, je trouve plus d'attraits, C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier sourire Des lĂšvres que la mort va fermer pour jamais ! Ainsi, prĂȘt Ă  quitter l'horizon de la vie, Pleurant de mes longs jours l'espoir Ă©vanoui Je me retourne encore et d'un regard d'envie Je contemple ses biens dont je n'ai pas joui ! Peut-ĂȘtre l'avenir me gardait-il encore Un retour de bonheur dont l'espoir est perdu ? Peut-ĂȘtre dans la foule, une Ăąme que j'ignore Aurait compris mon Ăąme et m'aurait rĂ©pondu ? ... La fleur tombe en livrant ses parfums au zĂ©phyr ; A la vie, au soleil, ce sont lĂ  mes adieux ; Moi, je meurs et mon Ăąme au moment qu'elle expire, S'exhale comme un son triste et mĂ©lodieux. Alphonse de Lamartine "MĂ©ditations poĂ©tiques" - 1920
Belautomne aux couleurs chatoyantes, aux crissements des feuilles d'or et de pourpre qui virevoltent, Ă  la cueillette des champignons, aux parfums de la terre et des sous-bois. Quelques citations . L'automne est le printemps de l'hiver. Henri de Toulouse-Lautrec A l'automne, les arbres font des stripteases pour faire pousser les champignons.

[invitĂ© de la revue] Qu'est-ce que la poĂ©sie ? ou que dire de la poĂ©sie* Jean-Michel Maulpoix Article reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur "Les prĂ©tendues dĂ©finitions de la poĂ©sie ne sont, et ne peuvent ĂȘtre, que des documents sur la maniĂšre de voir et de s'exprimer de leurs auteurs" Paul ValĂ©ry La poĂ©sie est mal aimĂ©e de la critique. Elle constitue un objet d’étude difficile Ă  cerner, en constante mutation Ă  travers l’histoire, et sur lequel la thĂ©orie a peu de prise. Bien qu’elle donne lieu Ă  ces nettes dĂ©coupes de langue qu’on appelle poĂšmes, si solidement Ă©tablis dans leur forme propre qu’on n’y pourrait changer un seul mot, il semble qu’elle refuse toujours de s’enclore. De sorte que parler de la poĂ©sie conduit la plupart du temps Ă  tenir un discours mal appropriĂ© trop technique ou trop subjectif. Le thĂ©oricien dĂ©sireux de construire un systĂšme rigoureux doit se rĂ©signer Ă  une navrante dĂ©perdition d’efficacitĂ© critique. Comment, pour la dĂ©crire, pourrait-on se satisfaire des formules qui fleurissent dans les manuels, telles que chant de la nature », cĂ©lĂ©bration des dieux », expression des sentiments personnels » ou dĂ©rĂšglement du langage » ? Ce sont lĂ  autant de stĂ©rĂ©otypes qui Ă©touffent les enjeux vĂ©ritables de l’écriture. Sans ĂȘtre tout Ă  fait dĂ©pourvus de sens, ils nĂ©gligent les singularitĂ©s. L’indĂ©fini y trouve refuge. Par les discours qu’on tient sur elle, la poĂ©sie se voit dissoute dans les gĂ©nĂ©ralitĂ©s, plutĂŽt que placĂ©e au centre d’une rĂ©flexion cruciale sur le langage. Les Dictionnaires de poĂ©tique » n’offrent guĂšre pour leur part que des outils qui facilitent l’observation des formes, sans ouvrir de vĂ©ritable accĂšs Ă  la question du sens
 À maints Ă©gards, la poĂ©sie reste l’orpheline de la critique. C’est plutĂŽt dans l’Ɠuvre mĂȘme des poĂštes, sur les marges ou au cƓur de leurs poĂšmes, que des clefs nous sont proposĂ©es les prĂ©faces de Victor Hugo, les lettres de Rimbaud, les Divagations de MallarmĂ©, les Cahiers de ValĂ©ry, la Correspondance ou les ElĂ©gies de Rilke, etc
 Il n’existe pas, Ă  ma connaissance, de sĂ©rieuse Ă©tude des discours critiques sur la poĂ©sie. Nulle histoire, Ă  proprement parler, n’en a Ă©tĂ© Ă©crite. Celle-ci pourtant rĂ©serverait d’étranges surprises. On y vĂ©rifierait combien les commentaires oscillent entre subjectivisme, mysticisme, spontanĂ©isme et formalisme ; mais on y dĂ©couvrirait Ă©galement que la poĂ©sie suscite autant de vagues discours que de partis pris tranchants. Tout au long de l’époque moderne, il semble que le fossĂ© n’ait cessĂ© de se creuser entre la rigueur des analyses conduites par les poĂštes eux-mĂȘmes et le caractĂšre approximatif des propos tenus par la tradition universitaire ou par les critiques de profession. Vague au dehors, dur au dedans, est-il un art qui ait vu autant que celui-lĂ  son histoire jalonnĂ©e de querelles, de ruptures et de manifestes, ni qui se soit autant retournĂ© contre lui-mĂȘme ? En procĂšs intense avec elle-mĂȘme, la poĂ©sie doit sans cesse rendre des comptes, s’auto justifier et rĂ©pondre Ă  la question de son pourquoi. Les fulminations de Charles Baudelaire ou d’Arthur Rimbaud contre Alfred de Musset, les propos rageurs de RenĂ© Char contre les paresseux », la vindicte de Francis Ponge contre le lyrisme Ă©lĂ©giaque, le soupçon d’Yves Bonnefoy contre l’image, la radicale mise en cause par Philippe Jaccottet des leurres du poĂ©tique, autant d’exemples qui vĂ©rifient que la poĂ©sie est un terrain d’affrontements, voire un champ de bataille Ă  propos du langage et de ses enjeux
 Cette intransigeance intellectuelle est le fait de poĂštes devant Ă  tout moment rĂ©affirmer bien plus que leur conception de l’art qu’ils pratiquent ou leurs partis pris esthĂ©tiques c’est leur raison d’ĂȘtre mĂȘme qui est en cause. Parce qu’ils touchent Ă  la langue. Parce qu’ils y nouent le subjectif et l’objectif. Parce qu’ils prennent le risque du mensonge et de l’illusion. Parce qu’ils font souvent parler les choses inanimĂ©es et les morts. Parce qu’ils se tournent vers autre chose, sur quoi la raison n’a pas prise. Parce qu’ils se laissent conduire par la chair et Ă©crivent sans autre contrĂŽle que celui de leur propre vigilance
 Une fois reconnus ces enjeux que l’époque moderne a mis en pleine lumiĂšre, il n’est pas Ă©tonnant que la poĂ©sie se dĂ©robe Ă  toute dĂ©finition
 Son objet n’existe que dans le travail mĂȘme qu’elle accomplit, tel une cible mouvante que chaque poĂšme localise Ă  sa façon sans l’atteindre jamais. Nul ne peut prĂ©tendre dĂ©finir la poĂ©sie, si au sens strict cela consiste Ă  en dĂ©gager l’essence, et donc Ă  dire ce qu’elle ne peut pas ne pas ĂȘtre. L’écriture poĂ©tique a pour principe de toujours passer outre il s’agit de brĂ»ler l’enclos », affirmait RenĂ© Char. Pourtant, il est aussi dans la vocation de la poĂ©sie de travailler sans cesse Ă  se dĂ©finir, se redĂ©finir. Ainsi que l’écrit Michel Deguy l’inquiĂ©tude de la poĂ©sie sur son essence habite la poĂ©sie dĂšs son commencement grec. » Elle est Ă©trangement ce travail Ă  la fois aveugle et inquiet du langage qui ne peut que chercher toujours Ă  en savoir plus sur ce qu’il fait et sur ce qui se joue en lui. À travers les propositions formelles du poĂšme, elle remet Ă  la fois la langue en jeu et sa propre existence en question. C’est Ă  coup sĂ»r l’un des traits particuliers de la modernitĂ© que d’avoir dĂ©gagĂ© la poĂ©sie de motivations extĂ©rieures, telles que la morale » et l’enseignement », pour la conduire Ă  se pencher de plus en plus sur elle-mĂȘme s’observer, se scruter, se dĂ©crire
 Égarant ses anciens repĂšres, ils l’ont mise hors d’elle-mĂȘme, hors du vers par exemple, voire hors du poĂšme. Sortie du bien et du beau, ils l’ont retournĂ©e contre le poĂ©tisme ». Ils lui ont fait jeter ses richesses aux orties. Ils l’ont dĂ©nudĂ©e, simplifiĂ©e, aplatie Ă  l’extrĂȘme. DĂ©sireuse d’isoler ce qui lui est spĂ©cifique, pour savoir davantage ce qu’elle peut et ce qu’elle est, la poĂ©sie moderne a exaspĂ©rĂ© sa propre dimension critique. Plus problĂ©matique » que jamais, elle a engagĂ© elle-mĂȘme le procĂšs de ses excĂšs, jusqu’à remettre durement en cause certains de ses plus anciens attributs l’image, le sentiment, l’espĂ©rance, la cĂ©lĂ©bration
 Chez quelques-uns de nos contemporains les plus lucides, elle s’est voulue possible autrement en prenant Ă  rebours les excĂšs et les chimĂšres dont elle avait depuis longtemps fait son ordinaire, sans rien sacrifier cependant de ce rapport singulier Ă  l’inexprimable qu’elle autorise, voire en le renforçant par un implacable travail de mise Ă  nu de la parole. On pourrait aussi bien dire que le poĂšte moderne ne cesse d’en finir, ou qu’il continue en s’efforçant d’en finir en retournant la poĂ©sie contre elle-mĂȘme, il en Ă©prouve la rĂ©sistance. Comme l’écrit encore Michel Deguy La poĂ©sie est suspendue ; mise en question, aujourd’hui par elle-mĂȘme au centre d’elle-mĂȘme. » Il semble que l’on puisse ainsi observer, au long de la modernitĂ©, une pression croissante du questionnement philosophique dans la poĂ©sie la question de son sens et de sa raison d’ĂȘtre se voit posĂ©e par le poĂšte dans le poĂšme mĂȘme qui en vient parfois Ă  ne plus exister qu’à travers ces questions. Voici, Ă  titre d’exemple, un extrait d’À la lumiĂšre d’hiver de Philippe Jaccottet Parler est facile, et tracer des mots sur la page, en rĂšgle gĂ©nĂ©rale, est risquer peu de chose un ouvrage de dentelliĂšre, calfeutrĂ©, paisible on a pu mĂȘme demander Ă  la bougie une clartĂ© plus douce, plus trompeuse, tous les mots sont Ă©crits de la mĂȘme encre, fleur » et peur » par exemple sont presque pareils, et j’aurai beau rĂ©pĂ©ter sang » du haut en bas de la page, elle n’en sera pas tachĂ©e, ni moi blessĂ©. Que la poĂ©sie moderne rĂ©flĂ©chisse ainsi Ă  haute voix ne signifie pas qu’elle soit devenue spĂ©culative elle l’a Ă©tĂ© largement aux temps classiques et romantiques, mais qu’elle est plutĂŽt de plus en plus spĂ©culaire toute attachĂ©e Ă  la mise en Ɠuvre de la rĂ©flexivitĂ© interne au langage. ProcĂ©der au nettoyage de la situation verbale » la cĂ©lĂšbre formule de Paul ValĂ©ry rĂ©sume assez bien cette exigence. OĂč la philosophie dĂ©finit des concepts, la poĂ©sie dĂ©coupe des objets de langue oĂč se renouvelle notre entente du rĂ©el, du sujet et du langage. Je ne peux trouver Ă  la poĂ©sie de raison d’ĂȘtre plus Ă©vidente que le simple fait que nous soyons des crĂ©atures qui parlent. Par cette parole humaine qui nous constitue, nous nous tenons au bord du monde, d’une tout autre maniĂšre que les animaux, liĂ©s et sĂ©parĂ©s, Ă  la fois immergĂ©s en lui et y faisant face, aussi curieux de ce qui existe que tracassĂ©s par ce qui n’existe pas. Puisque nous sommes des crĂ©atures parlantes, taraudĂ©es par le dĂ©sir et le souci, une place s’est faite en nous pour ces espĂšces de notions Ă©tranges que sont l’idĂ©al, l’absolu, l’impossible ou l’éternité  La poĂ©sie existe parce que le langage articulĂ© inscrit en vĂ©ritĂ© en nous beaucoup plus que ce que nous pouvons dire, ou parce que les mots ne sont pas une simple monnaie d’échange, mais nous portent au-delĂ  de ce que nous pouvons penser ou saisir. Elle est par excellence le lieu oĂč s’articule notre insatisfaction, notre contradiction. Elle trace, de poĂšme en poĂšme, nos lignes de fuite et donne Ă  entendre notre marche boiteuse et contrariĂ©e. RĂ©el et idĂ©al, coupure et liaison, avancĂ©e et retournement, chercherie et trouvaille, voilĂ  autant de couples de notions opposĂ©es que le travail poĂ©tique ne cesse de confronter, tirant de leur contradiction sa force. Le poĂšme est la scĂšne sur laquelle vient se jouer le drame de l’expression propre Ă  la crĂ©ature parlante. On y voit la langue se dĂ©battre. On y entend l’effort de la crĂ©ature pour s’orienter dans son propre inconnu. Souvenez-vous, par exemple, de l’étrange ouverture de La Jeune Parque de Paul ValĂ©ry Qui pleure lĂ , sinon le vent simple, Ă  cette heure Seule, avec diamants extrĂȘmes ?
 Mais qui pleure, Si proche de moi-mĂȘme au moment de pleurer ? Loin donc de m’attacher ici Ă  quelque improbable dĂ©finition de la poĂ©sie, j’ai choisi de la dĂ©crire aux prises avec les forces contraires qu’elle met en jeu. DĂ©crire ce que je pourrais appeler ses faits et gestes, en observant quelques-uns de ces couples de notions qui reviennent avec insistance sous la plume des poĂštes. Telle sera ma façon, nĂ©cessairement limitĂ©e, de rĂ©pondre Ă  l'inĂ©puisable question Qu'est-ce que la poĂ©sie ? 1. Avancer / se retourner Quiconque ouvre une anthologie de poĂ©sie ne peut qu’ĂȘtre frappĂ© par l’insistance de deux motifs apparemment antagonistes l’en-avant et le retournement. D’un cĂŽtĂ© une cĂ©lĂ©bration de l’éveil, du dĂ©part et de l’en allĂ©e, orientĂ©e vers le futur. De l’autre, une mĂ©lancolie crĂ©pusculaire, tournĂ©e vers la remĂ©moration du passĂ©. Parfois Ă©troitement conjuguĂ©s l’un Ă  l’autre comme dans le cĂ©lĂšbre poĂšme de Victor Hugo Demain dĂšs l’aube », ces deux motifs ont une valeur structurelle forte ils nous renseignent sur les enjeux de l’expĂ©rience lyrique. Ces deux motifs sont prĂ©sents dĂšs le mythe d’OrphĂ©e que la poĂ©sie occidentale n’a cessĂ© de reprendre et de styliser, reconnaissant de longue date en lui quelque chose comme la fable de ses origines. On se souvient qu’aprĂšs avoir perdu Eurydice, morte de la morsure d’un serpent, OrphĂ©e descendit avec courage aux Enfers dans l’espoir de la ramener. Il y charma de ses chants le passeur, adoucit les trois Juges des Morts, suspendit les supplices des damnĂ©s, et finit par obtenir du cruel HadĂšs la permission de ramener son Ă©pouse parmi les vivants. À cela, HadĂšs mit une condition qu’OrphĂ©e ne se retourne pas jusqu’à ce qu’Eurydice soit revenue sous la lumiĂšre du soleil. Or, par coupable impatience, OrphĂ©e ne tint pas sa promesse entrevoyant la lumiĂšre du jour, il se retourna pour s’assurer que sa compagne le suivait et il la perdit pour toujours. C’est alors que commença la douloureuse errance qui fit de lui ce chanteur Ă©plorĂ© capable d’entraĂźner Ă  sa suite ces vies muettes que sont les arbres et les animaux sauvages
 Tel que ce mythe le laisse entendre, le chant d’amour naĂźt de la perte pour ramener Ă  la lumiĂšre l’Objet perdu, la poĂ©sie va parmi les ombres et traite avec elles. Il peut arriver qu’elle les charme et soit tout prĂšs de les vaincre ou de les convaincre
 Elle ne descend pas aux Enfers par esprit de conquĂȘte, mais par amour, pour tenter de sauver l’amour
 Son en-avant perpĂ©tuel a pour origine un regard tournĂ© vers la mort. La voix errante » d’OrphĂ©e prend appui sur le vide. Elle est celle du premier grand Ă©chec », tel qu’il fonde la lyrique. Tordu comme un thyrse, OrphĂ©e est Ă  la fois mĂ©moire et prophĂ©tie il invente Ă  partir d’une perte. Le veuf inconsolable est aussi un civilisateur on l’a dit lĂ©gislateur, philosophe, inventeur Ă  la fois de l’alphabet, de la musique et de la poĂ©sie. PremiĂšre figure de la rĂ©flexivitĂ© Ă©lĂ©giaque, il transforme sa solitude fatale et dĂ©sespĂ©rĂ©e en dons pour la communautĂ© des hommes. Il est donc celui qui retourne la perte en don. Aux Enfers dĂ©jĂ , sa douleur et son chant avaient eu la capacitĂ© d’émouvoir les ombres sans consistance une communautĂ© fugace avait pu se crĂ©er autour de sa douleur. À partir d’une sĂ©paration, il suscite du rapprochement.. Il remembre ce qui s’est disjoint. Il rappelle ce qui s’est perdu. Sa lĂ©gende raconte une histoire de mots et de crĂ©atures qui affluent autour d’un chant. Son pĂšre naturel Oeagre Ă©tait un dieu-fleuve. À l’instar d’OrphĂ©e, le poĂšte apparaĂźt d’abord comme un homme qui se retourne OrphĂ©e vers Eurydice, Villon vers les neiges d’antan », Du Bellay vers son Petit LirĂ©, Lamartine vers la voix d’Elvire, Baudelaire vers le vert paradis des amours enfantines , Rimbaud cherchant la petite morte derriĂšre les rosiers », Apollinaire au fil du Rhin, voyant se dĂ©fleurir les cerisiers de Mai » qui se figeaient en arriĂšre », ou encore s’exclamant Je me retournerai souvent »  Telle est la dĂ©clinaison assidue d’un ubi sunt qui alimente la dimension Ă©lĂ©giaque de l’écriture OĂč sont nos amoureuses ? », Que sont nos amis devenus ? »  La poĂ©sie dit aussi bien “ je me souviens ” que Nevermore »  Que voit, que montre le poĂšte en se retournant ? Ce qui naguĂšre fut rĂ©uni une conjonction, une conjoncture. C’est vers des liens qu’il se retourne, aussi bien que vers des lieux ou vers un temps. Le retournement sollicite conjointement l’espace et le temps. Il est un travail de mĂ©moire. Ainsi le poĂšte s’avĂšre-t-il, selon la formule de MallarmĂ©, le Montreur des choses passĂ©es », celui qui donne Ă  voir le temps, un professeur de finitude. Son regard se porte sur ce qui n’est plus, aussi bien que sur ce qui est destinĂ© Ă  s’éteindre. Pour Nietzsche pourtant, ce retournement est aussi une façon d’allĂ©ger la vie Les poĂštes, Ă©tant donnĂ© qu’eux aussi veulent allĂ©ger la vie Ă  l’homme, dĂ©tournent leur regard du prĂ©sent pĂ©nible ou aident le prĂ©sent Ă  prendre, par une lueur qu’ils font briller du passĂ©, des couleurs nouvelles. Pour y rĂ©ussir, il leur faut ĂȘtre eux-mĂȘmes Ă  beaucoup d’égards des ĂȘtres tournĂ©s en arriĂšre en sorte qu’ils peuvent servir de pont, pour mener Ă  des Ă©poques et Ă  des idĂ©es trĂšs lointaines, Ă  des religions et Ă  des civilisations mourantes ou mortes. »[1] Ces Ă©poques, ces idĂ©es trĂšs lointaines » dont parle Nietzsche, c’est ce que Pascal Quignard appelle le jadis[2]. Il observe que les plus anciennes figurations humaines sont des rĂ©trospections.[3] Un prĂ©sent intense est du jadis vivant » Ă©crit-il. Sans doute la poĂ©sie a-t-elle pour fond la nostalgie. Nostalgie du jadis et du naguĂšre, nostalgie du perdu, de l’origine, de l’impossible. Nostalgie » provient d’un mot grec, nostos, qui signifie retour ». Comme l’écrit encore Quignard le nostos est le fond de l’ñme. La maladie du retour impossible du perdu – la nostalgia – est le premier vice de la pensĂ©e, Ă  cĂŽtĂ© de l’appĂ©tence au langage. »[4] Ce sont de trĂšs vieux liens qui dans la poĂ©sie ne cessent de se dĂ©nouer et de se renouer chant d’amour de la mĂšre, berceuse par quoi les mots se voudraient de souffle et de chair, chaleur du discours et lyrisme donc
 Il appartient au poĂšme, par sa musique comme par ses images, de nous lier encore Ă  ce qui a disparu. Le poĂšte ne se contente pas d’évoquer, de veiller ou de commĂ©morer avec nostalgie le jadis, il le travaille comme une substance vivante, un matĂ©riau prĂ©cieux, mental et verbal il en rĂ©veille l’éclat perdu, il en dessine la scĂšne, il le ramĂšne vers le prĂ©sent, jusqu’à la prĂ©sence. Ce jadis, c’est l’originaire, le fondateur, c’est-Ă -dire l’assise obscure de l’existence du sujet, aussi bien que la mĂ©moire enfouie de la culture. A la façon du baiser du Prince, l’écriture rĂ©veille une mĂ©moire heureuse, aussi bien qu’un jadis endormi dans la langue, dissimulĂ© par exemple dans l’étymologie des mots, la rĂšgle syntyaxique, ou dans les mythes et les symboles auxquels s’accordent les images
 Mais si le jadis est de l’originaire, se retourner, c’est aussi bien recommencer. RĂ©pĂ©ter la façon dont le chaos fut ajointĂ© en monde. C’est reproduire la genĂšse de la personne et de son dĂ©sir, aussi bien que celle, toujours imaginaire, de la terre mĂȘme oĂč nous vivons. Et c’est encore regarder vers le pourquoi du poĂšme. En poursuivre l’indĂ©finie chercherie. Chercher » sera donc mon deuxiĂšme motif
 2. Chercher / trouver Nous nous souvenons qu’au Moyen-Ăąge, le poĂšte Ă©tait dit troubadour ou trouvĂšre, c’est-Ă -dire trouveur. Les romantiques faisaient encore de lui un Ă©lu, un inspirĂ© recevant de la nature et de la rĂȘverie cette espĂšce de parole heureusement trouvĂ©e » que naguĂšre lui dispensaient les muses. DĂ©concerter par la surprise comme le souhaitait Baudelaire, ĂȘtre un inventeur d’inconnu comme le voulait Rimbaud laisser la place Ă  la trouvaille » comme le rĂ©clamait Apollinaire, ce sont lĂ  quelques-uns des motifs qui placent la poĂ©sie au plus prĂšs du don gratuit, telle un phĂ©nomĂšne d’entente et de rĂ©ception singulier, dĂ©pourvu de cause prĂ©cise. Cette grĂące de la trouvaille, appliquĂ©e cette fois au monde extĂ©rieur, constitue d’ailleurs un des sujets prĂ©fĂ©rĂ©s de l’écriture poĂ©tique qu’il s’agisse de l’éveil de la nature, de l’apparition soudaine d’une figure aimĂ©e ou de l’objet trouvĂ© » cher aux surrĂ©alistes, elle privilĂ©gie les imprĂ©visibles points de rencontre, les instants oĂč la trajectoire ordinaire de la vie se voit tout Ă  coup traversĂ©e par quelque Ă©merveillement. Mais si le poĂšte est trouveur, il est aussi chercheur. Curieusement, l’une des Ă©tymologies parfois proposĂ©es du mot rime » le rapproche non de rythme mais du verbe latin rimare » qui signifie rechercher, examiner avec soin ». Il va, il court, il cherche. Que cherche-t-il ? » Ă©crivait Baudelaire Ă  propos du peintre de la vie moderne » Que cherche donc la poĂ©sie, sinon, comme Henri Michaux, Ă  approcher le problĂšme d’ĂȘtre » ? En posant des questions qui portent moins sur l’ĂȘtre que sur la circonstance OĂč sommes-nous ? » Quand sommes-nous ? » Ainsi de Rilke demandant dans sa cinquiĂšme ÉlĂ©gie OĂč donc, oĂč est le lieu ? » , ou Verlaine faisant dialoguer l’ñme et le cƓur dans la septiĂšme Ariette oubliĂ©e » des Romances sans paroles Mon Ăąme dit Ă  mon cƓur Sais-je Moi-mĂȘme que nous veut ce piĂšge D’ĂȘtre prĂ©sents bien qu’exilĂ©s, Encore que loin en allĂ©s ? ­ Moins chantante qu’interrogative, moins inspirĂ©e que questionneuse, la poĂ©sie moderne est un tissage de mots dans la perplexitĂ©. Par la prĂ©cision de ses tours, elle entrouvre un peu la langue sur notre ignorance. Peut ĂȘtre dit poĂšte, celui qui nous rappelle, dans le vif du langage, que ce monde n’est pas maĂźtrisĂ©. Celui qui nous rouvre en sa profondeur cet espace que nous croyions fermĂ©. Celui qui nous invite Ă  nous remettre en chemin. Celui qui nous enjoint d’exister, tout simplement. Que reste-t-il ? Sinon cette façon de poser la question qui se nomme la poĂ©sie » Ă©crit Philippe Jaccottet dans ÉlĂ©ments d’un songe. Il illustre Ă  nouveau ce motif dans un texte d’A la lumiĂšre d’hiver intitulĂ© Autres chants » dont voici un extrait Cherchons plutĂŽt hors de portĂ©e, ou par je ne sais quel geste, quel bond ou quel oubli qui ne s’appelle plus ni chercher », ni trouver » C’est ainsi Ă  une espĂšce de retournement radical que la modernitĂ© nous donne Ă  assister l’inspirĂ© naguĂšre protĂ©gĂ© des dieux est devenu l’ĂȘtre perplexe qui protĂšge la question. Dans un de ses essais, Heidegger affirme Etre poĂšte, c’est mesurer »[5]. La poĂ©sie, en effet, est un langage mĂ©trĂ©, qui arpente le site de l’habiter » humain, dans l’entre-deux du ciel et de la terre ». La crĂ©ature y prend la mesure de ce qui lui appartient et s’y mesure Ă  ce qui la dĂ©passe. Elle tourne son regard vers les ĂȘtres et vers les objets du monde proche, aussi bien que vers d’invisibles lointains ou vers les hauteurs de l’azur. Mesurer l’entre-deux, tel serait le travail du poĂšte dont le parcours est familier autant que pĂ©rilleux puisqu’il lui faut dire les choses ordinaires de la vie aussi bien que s’acheminer vers des rĂ©gions extrĂȘmes oĂč s’égare le sens. Le pĂ©ril encouru par le poĂšte serait de perdre le bon sens et de s’égarer dans l’insensĂ©. De se trouver, par exemple, comme Rimbaud, le passant d’un Enfer, la victime d’une folie
 Car le parcours du poĂšte est bien diffĂ©rent de celui du philosophe. Quand celui-ci se fixe pour objet de retracer les limites qui bornent la condition humaine, il s’attache d’abord mĂ©thodiquement Ă  faire tomber les illusions. Quand il demande Que peut un homme ? », c’est en se dĂ©tournant avec fermetĂ© de l’impossible. La poĂ©sie reste au contraire au contact de l’illusion, elle s’écrit Ă  partir de ce qui perturbe, inspire, mobilise et met en crise le sujet le sentiment, la passion, la sensation
 La raison n’est pas son maĂźtre. La poĂ©sie cherche Ă  savoir Ă  travers une inflammation. Elle tend vers la clartĂ©, mais reste solidaire des tĂ©nĂšbres. Son objet n’est pas de fixer des conduites, ni de prescrire des bornes, mais plutĂŽt de savoir Ă  travers quelles sortes de vacillements nous nous tenons debout. Il me semble en dĂ©finitive que l’enjeu de la chercherie ne soit ni plus ni moins que la raison d’ĂȘtre. En sa visĂ©e ultime, et quel que soit son prĂ©texte, son point de dĂ©part plus ou moins circonstanciel, la poĂ©sie ne vise rien moins qu’à réévaluer sur le vif dans le vif d’une expĂ©rience nos raisons d’ĂȘtre. En tenant le rĂ©el et l’idĂ©al vis-Ă -vis l’un de l’autre, en confrontant sur l’axe du temps ce qui est, ce qui a Ă©tĂ©, ce qui pourrait ĂȘtre, en faisant donc la somme du possible et de l’impossible, la poĂ©sie fait valoir et Ă©value nos raisons de vivre. Elle Ă©volue du cĂŽtĂ© de la valeur. Ou elle tend vers la valeur. Faire en sorte que cette vie soit un peu moins absurde, voilĂ  ce que l’on pourrait demander au poĂšte. Ne l’embellissez pas artificiellement, ne nous trompez pas sur la vĂ©ritĂ© des choses, mais montrez-nous plutĂŽt de quelle pĂąte nous sommes faits et combien il entre de rĂȘve et de dĂ©sir dans la composition de nos jours. Expliquez-nous d’un mot, dans le regard de la passante, les conditions de l’espĂ©rance et de l’amour. Dites-nous ce qu’est le temps de vivre et de mourir. EmpĂȘchez-nous donc de nous perdre et de nous jeter dans ce qui nous dĂ©vore. On ne doit attendre rien moins du poĂšte que la vĂ©ritĂ© toute nue et tout entiĂšre, non pas abstraite et gĂ©nĂ©rale, mais concrĂšte et radicale, et telle surtout que s’y trouvent ainsi réévaluĂ©es nos raisons de vivre. Au poĂšte d’établir l’espace oĂč puissent entrer la plainte et la louange tenir le langage de la valeur et du sentiment. Au poĂšte d’instaurer la rĂ©sistance du mĂštre au chiffre, de la mesure Ă  la spĂ©culation et du rythme de la parole humaine aux bruits de la technique et du nĂ©goce. Au poĂšte de faire montre d’une certaine tenue autre forme de rĂ©sistance dans ce qui existe aussi bien que de ce qui existe cohĂ©sion et cohĂ©rence, en dĂ©finitive, de l’ĂȘtre et du milieu en son parler soutenu. Au poĂšte de montrer les liens, puisque l’homme Ă  travers l’histoire n’a fait qu’accroĂźtre la distance et la sĂ©paration. Ce motif constituera le dernier temps de mon dĂ©veloppement
 3. Couper / lier Depuis le milieu du XIXĂšme siĂšcle, la part de la coupure n’a cessĂ© de s’accentuer dans la poĂ©sie. Ecrit au couteau,[6] ce titre de Christian Prigent est Ă  maints Ă©gards emblĂ©matique du geste poĂ©tique moderne oĂč la conscience critique et la sĂ©paration ont pris le pas sur la parole inspirĂ©e et chantante. Coupure, plutĂŽt que couture, tel serait le sort moderne Le fragment, il faut le faire. Casser, fracturer, fragiliser, tracer l’arĂȘte affaire de dĂ©cision tranchante de coupures Ă©crire.[7] PrĂ©sente cependant dĂšs la fable originaire de la poĂ©sie occidentale, avec la tĂȘte coupĂ©e d’OrphĂ©e, la coupure est en vĂ©ritĂ© inhĂ©rente Ă  tout travail d’écriture poĂ©tique. Elle en conduit le rythme syncopĂ©. Les poĂšmes sont des objets de langue nettement dĂ©coupĂ©s des objets dont on pourrait dire qu’ils font image sur la page car c’est Ă  l’Ɠil qu’ils se donnent pour commencer. A la diffĂ©rence du romancier, le poĂšte travaille par arrĂȘts frĂ©quents » il lui faut renouer sans cesse avec des commencements de langue, Ă©tablir un nouveau rapport Ă  l’originaire. La poĂ©sie est une langue mise en coupe, et qui brise la prose usuelle par l’interruption, la segmentation des vers qui sont comme autant de segments ou de phrases plus ou moins rompues, emportĂ©es dans une tourne ». C’est par l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ©, la juxtaposition, l’anacoluthe et toutes sortes de court-circuits que la poĂ©sie prend les armes contre la rhĂ©torique et parvient Ă  Ă©lectriser le langage. Au ciseau des figures, elle Ă©vide ou fait saillir des creux, des bosses, des lignes de force. Faite d’élans, de surprises et d’intensitĂ©s, l’expĂ©rience poĂ©tique impose elle-mĂȘme Ă  l’existence une espĂšce de violente scansion, ponctuĂ©e d’emportements et de chutes. Elle cadre des instants, focalise l’attention sur des objets de rencontre et prend l’exister » sur le fait. Ses Ă©piphanies ressemblent Ă  des flagrants dĂ©lits. Elle espace et fracture la rĂ©pĂ©titive unitĂ© de la vie commune. Ainsi dessine-t-elle ce que Christian Prigent appelle un lieu d’indĂ©cision, un espace d’indĂ©termination du sens, pour tĂ©moigner de ce lieu et affirmer que ce lieu est le lieu spĂ©cifiquement humain »[8] La parole poĂ©tique tient Ă  la connaissance sourde, confuse, obscure
 que l’homme a de ses brisures. Aussi conduit-elle souvent le langage jusqu’à son point de rupture. Elle vient heurter le silence, ou se dĂ©coupe en lui. Tout prĂšs de se taire Ă  son tour. MenacĂ©e de rendre dans le dĂ©lire son dernier couac » je ne sais plus parler » s’exclame Arthur Rimbaud. Peut-ĂȘtre les plus touchants poĂšmes sont-ils ceux oĂč l’on entend une voix tout prĂšs de se briser. Une langue qui se brise ou qui est faite de bris Mon verre s’est brisĂ© dans un Ă©clat de rire », Ă©crit Apollinaire. Pourtant, si segmentĂ©e soit-elle, la parole poĂ©tique demeure un travail de filage. En vĂ©ritĂ©, le poĂšte rivalise avec les trois Parques de la mythologie antique il file la destinĂ©e dans la langue, il la mesure et il la coupe. À moins qu’à l’exemple de PĂ©nĂ©lope il ne cesse de tisser puis de dĂ©tisser sa toile
 La crĂ©ation poĂ©tique a pour fondement la capacitĂ© Ă  discerner, Ă©tablir, multiplier et rĂ©vĂ©ler des rapports. De ces rapports viennent les images. Pierre Reverdy dĂ©finit ainsi l’aptitude du poĂšte Sa facultĂ© majeure est de discerner, dans les choses, des rapports justes mais non Ă©vidents qui, dans un rapprochement violent, seront susceptibles de produire, par un accord imprĂ©vu, une Ă©motion que le spectacle des choses elles-mĂȘmes serait incapable de nous donner.[9] Il s’agit donc de produire une Ă©motion seconde, de nature esthĂ©tique, issue du rapport lui-mĂȘme, et dont la force tient aussi bien au renouvellement de la vision qu’à son extension inattendue voici qu’en ce nouveau phrasĂ©, le rĂ©el se montre Ă  la fois plus large et plus serrĂ©, plus Ă©tendu et plus cohĂ©rent. C’est lĂ  une maniĂšre de rĂ©plique Ă  l’usure du temps quotidien Ă  la monotonie de la rĂ©pĂ©tition, la servitude de la fatalitĂ©. Plus Ă©troitement que tout autre objet littĂ©raire, le poĂšme trame ses motifs au grĂ© de la navette du son et du sens, en mĂ©taphores filĂ©es, assonances, allitĂ©rations, au grĂ© des interruptions et des rĂ©pĂ©titions qui emportent la tourne des vers. Ce faisant, il tisse sur la page une espĂšce de toile sombre, semblable Ă  celle de l’araignĂ©e, et dont les trous et les blancs valent autant que les lignes. En cette toile faite de vers Ă©trangement soudĂ©s les uns aux autres, se laissent prendre, comme dans le piĂšge tissĂ© par l’insecte, quantitĂ© de passants imprĂ©vus la toile du poĂšme est pour les choses du monde un danger, autant qu’une espĂšce de derniĂšre demeure
 Pour dĂ©finir son travail, le poĂšte Jacques Dupin a recours dans ÉchancrĂ© Ă  la mĂ©taphore du ver Ă  soie. L’écriture est "une oeuvre de manducation et de mĂ©tamorphose insatiable, qui n'opĂšre, qui ne s'accomplit que dans la solitude, l'obscuritĂ©, le silence ...." Il reconnaĂźt dans le ver Ă  soie cette maniĂšre qu'ont aussi les mots de ronger le monde "pour accoucher d'une impondĂ©rable et tourbillonnante bouchĂ©e de fil", cette boulimie dĂ©sinvolte qui conduit Ă  manger la feuille pour dĂ©vider le fil, Ă  avaler des monceaux de papier pour juste "l'acuitĂ© d'un trait de soie". Écrire consiste Ă  tirer de soi un "embrouillamini de traces", un "nuage de filaments" qui dĂ©fie la raison et que l'Ă©crivain a pour tĂąche de suivre, sans cĂ©der Ă  "l'obsession de la prise", en acceptant de demeurer dans l'indĂ©cidable. Certes, l'Ă©crivain rĂ©pĂšte sur la page le geste ancien de la Parque, mais il dĂ©vide cette fois un fil alĂ©atoire qui sort de lui et dont il ne connaĂźt que trop l'extrĂȘme fragilitĂ©. VouĂ© Ă  la dĂ©possession, Ă  la disparition et Ă  l'effacement, il rĂšgne le temps de quelques pages sur un dĂ©risoire empire de dĂ©chets comme le ver collĂ© Ă  sa feuille, il fabrique un diaphane dĂ©but de beautĂ©. Et s'il Ă©crit parfois en vers, c'est que sa vie mĂȘme ne tient qu'Ă  ce fil. Sa figure propre n'existe pas il la nie, la piĂ©tine et la consume; elle se diffracte, s'Ă©chancre et se perd... Tel est bien le sort moderne du "sujet" dont Roland Barthes Ă©crivait dĂ©jĂ  dans Le Plaisir du texte qu'il se dĂ©fait dans l'Ă©criture "telle une araignĂ©e qui se dissoudrait elle-mĂȘme dans les sĂ©crĂ©tions constitutives de sa toile". Tout autant que le dehors, ses circonstances, ses objets et ses passants, c’est donc le plus intime et le plus obscur du sujet lui-mĂȘme qui dans cette toile se trouve pris. En filant et en dĂ©coupant la langue, le poĂšte constitue un rythme auquel se reconnaĂźtra sa voix il constitue comme la secrĂšte signature de son identitĂ©. De curieux enjeux psychiques travaillent l’écriture poĂ©tique, ouverte au rĂ©gressif aussi bien qu’à l’en avant, Ă  mĂȘme tout Ă  la fois de rĂ©tablir du fusionnel Ă  travers son systĂšme de rĂ©pĂ©titions que d’accentuer l’expression des coupures. Dans son Apologie du poĂšte », Pierre Jean Jouve la dĂ©finit comme un Ă©tat d’agglutination La PoĂ©sie est une pensĂ©e — un Ă©tat psychique — d’agglutination ; c’est-Ă -dire que des tendances, des images, des Ă©chos de souvenir vague, des nostalgies, des espĂ©rances, y apparaissent en mĂȘme temps et comme collĂ©s ensemble, provenant de hauteurs tout Ă  fait diffĂ©rentes. » [10] Le poĂ©tique conjugue le distinct et l’indistinct, la dĂ©termination l’accentuation, le soulignement, la bordure et l’hĂ©sitation prolongĂ©e. Il semble que ce soit du sein d’une plongĂ©e dans l’indistinct que le poĂšte travaille Ă  rĂ©tablir ou Ă©tablir de la distinction. Il ressaisit de l’ipse dans de l’idem, du singulier dans de l’identique. Mais il est, plus que tout autre celui qui entre et se dĂ©place tout d’abord dans l’indistinct, voire celui qui affronte le plus directement la confusion intime nulle clartĂ© ne s’ouvre pour lui qui ne suppose d’avoir cĂ©dĂ© d’abord Ă  l’illusion. Ecrire poĂ©tiquement consiste donc Ă  coudre de fil noir la page blanche, aussi bien qu’à en dĂ©coudre avec le sens, le non-sens, le rĂ©el, la chimĂšre
 Et c’est encore s’efforcer de recoudre nos dĂ©chirures, nos sĂ©parations, nos blessures. C’est incessamment reprendre ­ et repriser une couture qui se dĂ©fait. C’est rĂ©pĂ©ter ainsi indĂ©finiment le geste qui fut celui de notre naissance. C’est aussi bien se remettre au monde que faire perdurer le lien avec la langue maternelle. S’efforcer de rentrer, de retourner en elle. Parfois se retourner contre elle aller donc et venir, Ă  mi-chemin de la naissance et de la disparition, dans l’entre-deux qui est le nĂŽtre. Écrire, c’est avancer sur un fil, un filet de voix, dans la double ignorance de l’origine et de la fin. C’est dire et questionner la vie entre les deux inconnus qui la bordent. C’est nommer avec prĂ©cision le prĂ©sent, tel qu’il ignore ce qui le prĂ©cĂšde et ce qui le suit. On sait la prĂ©dilection des poĂštes pour les lieux et les moments lisiĂšres ce qui tout Ă  la fois sĂ©pare et relie. Ce qui borde, dĂ©limite, mais peut aussi bien s’ouvrir, Ă  la façon d’une plage, sur l’illimitĂ©. La poĂ©sie est une bordure de langue, qui fait face au dĂ©bordement. Elle dit notre vie bordĂ©e de noir par la mort. La vie dans la lumiĂšre noire de la mort, goutte sombre » au fond de l’encrier. Telle qu’elle nous est infiniment prĂ©cieuse, puisqu’elle doit nous ĂȘtre retirĂ©e. FenĂȘtre de jour entre deux nuits. Entre la terre et moi je rencontre la mort », Ă©crivait AndrĂ© ChĂ©nier. Si je devais parvenir un jour Ă  quelque dĂ©finition du poĂšte ou de la poĂ©sie, celle-ci aurait l’allure d’une mosaĂŻque elle serait faite de morceaux ajointĂ©s, de couleurs et de formes diffĂ©rentes, mais solidaires les uns des autres par quelques cĂŽtĂ©s. Et s’il me fallait rassembler autour d’un motif central les propositions fragmentaires qui la constituent ce ne pourrait ĂȘtre sans doute qu’une question qui serait celle de notre destinĂ©e. Volontiers, je dĂ©finirais le poĂšte comme celui qui reste en Ă©veil dans le temps, plus attentif que tout autre Ă  ce qui passe et change, et dĂ©sireux de retrouver ce qui demeure Ă  travers le passage mĂȘme du temps qui n’est jamais pour lui un milieu impur, mais un espace sensible oĂč toute forme de vie se montre Ă  la fois prĂ©cieuse et menacĂ©e. En mobilisant toutes les ressources de la langue, le poĂšte donne de la prĂ©sence Ă  ce qui s’absente inexorablement ce qui n’existe pas, ou que le temps emporte, ce qui n’est dĂ©jĂ  plus, ou ne sera jamais. Si la tristesse prĂ©vaut dans les poĂšmes, si la pure expression de la joie y est si rare, c’est que la poĂ©sie saisit toute chose dans la fuite mĂȘme du temps. Elle n’a pas affaire Ă  des idĂ©es ni Ă  des concepts. La prĂ©sence n’est pour elle si vive que de se perdre. Un poĂšme est un pont jetĂ© en travers du temps tous les reflets qu’on y peut voir par en dessous sont ceux de son Ă©coulement. PoĂšte celui que rien ni personne ne peut consoler de mourir et que la connaissance de la disparition conduit Ă  s’emparer fiĂ©vreusement du langage pour y fixer ce qui s’efface, aussi bien que pour y filer Ă  tombeau ouvert sur les routes mĂȘmes du temps. [1] Humain, trop humain, Ă©d. DenoĂ«l Gonthier, p. 150. [2] Pascal Quignard, Sur le jadis, Ă©d. Grasset, 2002. [3] Id., p. 107. [4] AbĂźmes, p. 44. [5] “L’homme habite en poĂšte”, Essais et confĂ©rences, coll. Tel, p. 235. [6] PubliĂ© aux Ă©ditions en 1993. [7] Michel Deguy, L’Impair, Farrago Ă©d., 2000, [8] Christian Prigent, À quoi bon encore des poĂštes ?, 1996, [9] Cette Ă©motion appelĂ©e poĂ©sie, op. cit., p. 57. [10] Apologie du poĂšte, Ed. Le temps qu’il fait, p. 9. *Article publiĂ© sur le site de l'auteur Qu'est-ce que la poĂ©sie ? Pour citer cet article Jean-Michel Maulpoix, Qu'est-ce que la poĂ©sie ? ou que dire de la poĂ©sie ? » article reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur, in Le Pan poĂ©tique des musesRevue de poĂ©sie entre thĂ©ories & pratiques PoĂ©sie & Crise » [En ligne], n°0Automne 2011, mis en ligne en octobre 2011. URL. ou URL. Pour visiter le site de l'auteure Jean-Michel Maulpoix & Cie, poĂ©sie moderne, Ă©critures ... Auteure Jean-Michel Maulpoix

Ila dĂ©corĂ© le sol, L’érable en automne ! L’érable en larmes. Agite ses mains rougies : L’étĂ© est parti. Le 22/10/21 . Ma chĂšre Bretagne . Elle est cĂ©lĂšbre, la Toscane. Au ciel Ă©ternellement bleu ; Mais je prĂ©fĂšre ma Bretagne. En gris, en vert, en camaĂŻeu. Ici, pas d’hiver sibĂ©rien, D’étĂ© mĂ©diterranĂ©en : Nos saisons, presque tout le temps, Sont des . 9 462 42 177 209 352 52 247

poesie l automne on voit tout le temps